Une réponse ancestrale au changement climatique
Cette plante indigène améliore la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance locaux en République Démocratique du Congo (RDC) et contribue à lutter contre le réchauffement climatique
Le fumbwa (Gnetum africanum) est une vigne sauvage aux feuilles épaisses ressemblant au papier que l'on trouve dans les forêts tropicales d'Afrique.
Préparation du fumbwa au marché. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
« Il constitue l'un des aliments de base au Kongo Central, mais il est aussi l'un des produits forestiers qui risquent de disparaître », explique Bueno Ngenga Thomas, coordinateur de l'Initiative rurale pour le développement intégré (IRDI).
L’organisation travaille avec les communautés locales de cette province de la République Démocratique du Congo (RDC) pour préserver les forêts qui sont essentielles dans la lutte contre le changement climatique.
Préparation du fumbwa au marché. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Le projet vise à produire 150.000 jeunes plants. Ils seront transplantés dans les forêts conservées par les communautés locales. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
The project is working to produce at least 150,000 seedlings. These seeds will then be transplanted into conservation forests by the local communities. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
L'un des dix territoires du Kongo Central est celui de Kasangulu, où l'extraction de charbon de bois et de bois de chauffage constituent les principales activités économiques.
Charbon de bois prêt à l'utilisation. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Étant donné que seulement 11 % de la RDC a accès à l'électricité, ces produits constituent la principale source d'énergie du pays et offrent des bénéfices plus élevés que l'agriculture à la population rurale de Kasangulu, qui les vend dans la capitale nationale, Kinshasa, située à moins d'une heure de route.
Paquets de bois de chauffage. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Cependant, le prix à payer est élevé : à mesure que les gens abattent les arbres pour le bois, les riches forêts tropicales de la région disparaissent rapidement, avec des conséquences environnementales dévastatrices.
Véhicule transportant des sacs de makala (charbon) de Kasangulu à Kinshasa. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Dotées de la plus grande biodiversité de tous les écosystèmes terrestres, les forêts jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique et la réduction de la pauvreté.
Environ 1,6 milliard de personnes dans le monde, dont plus de 2 000 cultures indigènes, en dépendent pour leur subsistance, leurs médicaments, leurs combustibles, leur nourriture et leur abri.
Les communautés locales dependent des ressources forestières pour leur subsistance, leurs médicaments, leur combustible, leur nourriture et leur abri. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Malgré ces avantages écologiques, économiques, sociaux et sanitaires inestimables, la déforestation mondiale se poursuit à un rythme alarmant : 13 millions d'hectares de forêt sont détruits chaque année, ce qui représente 12 à 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète et au changement climatique.
Le fumbwa se trouve généralement étalé sur le sol des forêts, où il pousse en toute saison, protégé par l'ombre. Utilisé à l'origine par l'ethnie Bakongo au Kasangulu pour l'alimentation et la médecine, il est aujourd'hui consommé couramment dans toutes les provinces de RDC, pour son goût agréable, son prix accessible et sa bonne valeur nutritionnelle.
« Nous avons appris de nos ancêtres que la consommation de fumbwa cru assure la longévité car il combat et traite des maladies comme la gastrite, le diabète, la gale et les problèmes oculaires », explique Yala, du village de Luseki à Kasangulu.
Sa voisine Mama-koko Nsilu attribue sa bonne condition physique du haut de ses 80 ans à la consommation de produits biologiques et de légumes crus, comme le fumbwa :
« Cela nous donne de l'énergie. C'est pourquoi nos anticorps sont différents de ceux des gens de la ville ».
En raison de la déforestation, le fumbwa a presque disparu à Kasangulu. Les vendeurs locaux doivent désormais s'approvisionner dans d'autres provinces, ce qui augmente les coûts de transport et affecte le prix final du légume.
Tas de feuilles de fumbwa en vente sur le marché local. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
« Même à Kinshasa, il devient rare et cher. Nous achetons un sac pour 100 000 francs congolais [50 dollars] », affirme Nsimba Luboko, vendeur au marché de Kasangulu, là où l’on trouve de petits tas de feuilles de fumbwa coupées en fines lanières vendus pour 1.000 francs congolais (0,50 dollar).
Nsimba Luboko, vendeuse de fumbwa au marché de Kasangulu. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
« Pour mon foyer de sept personnes, je dépense au moins 12 000 francs congolais (6 dollars) pour préparer le fumbwa. C'est trop d'argent pour nous, mais je n'ai pas le choix car c'est un aliment très prisé chez nous depuis l’époque de nos ancêtres », explique Mvuemba Masamba, qui vit également à Luseki.
En juillet 2020, l’IRDI a lancé un projet visant à pallier la pénurie de fumbwa à Kasangulu tout en favorisant la gestion durable des forêts, en restaurant l'écosystème local et en augmentant les revenus de la population locale.
Avec le soutien du Programme de Petites Subventions (PPS) du Fonds pour l'Environnement Mondial, mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le Développement, l'initiative vise à produire au moins 150 000 plants de fumbwa qui seront replantés par les communautés locales dans 200 hectares de forêts :
« Le fumbwa a été choisi pour ce projet par les communautés locales. Lorsque les plantes seront intégrées dans les forêts communautaires, les populations locales seront incitées à ne pas cultiver dans les zones forestières conservées. Cela contribuera grandement à la lutte contre le changement climatique et le réchauffement de la planète », explique Thomas.
Le projet a mis en place deux pépinières pour la domestication et la multiplication des fumbwas dans les villages de Kindundu et Boko Disu, où les plantes poussent pendant neuf mois avant de devenir suffisamment matures pour être replantées dans les forêts conservées.
Jeunes plants de fumbwa qui poussent dans la pépinière et qui seront transplantés dans les forêts conservées autour de sept villages de Kasangulu. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Les membres des communautés locales ont reçu une formation sur toutes les étapes de l'opération et sur les autres activités durables qui peuvent être menées dans les forêts, comme l'apiculture.
Entretien des plants de fumbwa dans les pépinières de production. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
« En conséquence, nous verrons le retour des animaux, des oiseaux et d'autres produits forestiers non ligneux, tels que les chenilles, les champignons et les fruits sauvages qui ont disparu. Le fumbwa est largement consommé dans notre pays, il constituera une source de revenus pour les communautés villageoises et leur permettra d'améliorer leur qualité de vie », explique Thomas.
Ayant participé à toutes les phases du projet, Mbuta Muntu Bantantu André a reçu des plants de fumbwa à planter sur son terrain dans le village de Kindundu :
« Je connais l'importance des arbres. C'est ainsi que je me suis développé en conservant la forêt depuis 1970. Nous mangeons du fumbwa depuis nos ancêtres [mais] il a disparu de nos forêts, nous devons l'acheter pour le consommer. Ce projet nous apporte la solution en le plantant au pied des arbres. Quand il arrivera à maturité, les habitants de Kasangulu disposeront du fumbwa ici au lieu de se rendre à Kinshasa ».
Mbuta muntu Bantantu André, village de Kindundu. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
En conséquence, il pense que les communautés locales seront encouragées à envoyer leurs enfants à l'école parce qu'elles auront un revenu plus élevé et suffisamment à manger pour leurs familles.
André espère également que le projet sera étendu à d'autres territoires du Kongo Central afin que le fumbwa se retrouve dans toutes les assiettes, comme au temps de ses ancêtres.
Bueno Ngenga Thomas et le superviseur Mvumbi Bonaventure visitent le site de domestication de fumbwa, le village Kindundu. Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Dans le village de Luseki, une organisation communautaire responsable de 700 hectares de forêt conservée a déjà replanté plus de 13 000 plants de fumbwa après que ses membres aient été formés par l’IRDI. « Maintenant, nous savons qu'il est possible de planter du fumbwa. Pour nous, c'était une plante sauvage des forêts que nos ancêtres mangeaient », rappelle Nuni Kuyeka, président de l'organisation.
« Nos plantes poussent déjà, nous en prenons soin. Nous voulons atteindre 30.000 plantes car notre forêt est vaste. Nous pourrons manger le fumbwa dans la communauté et le vendre pour permettre à nos enfants d'étudier et de gagner de l'argent », ajoute-t-il.
Huit mois après le début du projet, 40 % des 150 000 plants de fumbwa visés ont été plantés dans les forêts conservées autour de sept villages de Kasangulu.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
À Luseki, la communauté observe déjà des signes de rétablissement de l'équilibre de l'écosystème, comme le rapporte Kuyeka :
« Nous avons récemment ramassé des chenilles en grande quantité et cueilli des champignons. Nous constatons déjà le retour de certains animaux, comme les antilopes et les écureuils. Nous avons installé des ruches pour l'apiculture. Nous avons des fruits sauvages et beaucoup de plantes utilisées en médecine traditionnelle. Nous bénéficions d'une brise fraîche dans notre village. Tout ce que nous avons dans notre forêt peut générer davantage de bénéfice que la vente de charbon de bois qui détruit nos forêts ».
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Le superviseur du ministère de l'Environnement et du Développement durable dans le territoire de Kasangulu, Mvumbi Bonaventure, soutient le projet pour sa contribution à la lutte contre la déforestation massive : « Nous sommes prêts à aider les communautés locales à protéger leurs forêts en leur accordant des documents juridiques pour créer des zones protégées », déclare-t-il. Comme les communautés locales sont encouragées à préserver les forêts qui leur restent et à développer des activités alternatives à la production de charbon de bois, ces zones conservées contribueront à la lutte contre le réchauffement climatique et à la restauration de la biodiversité.
Selon Thomas, IRDI a reçu plusieurs demandes de communautés qui ont récemment obtenu des documents pour protéger leurs forêts et qui souhaitent participer au projet, même en dehors du territoire de Kasangulu.
« Nous pensons que cette activité ne peut s'arrêter avant d'avoir couvert la majorité des forêts du territoire de Kasangulu et, pourquoi pas, d'autres territoires du Kongo Central », dit-il.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Programme de Petites Subventions = grands effets
Le Programme des Petites Subventions (PPS) apporte un soutien financier et technique aux initiatives de la société civile et des communautés qui s'attaquent aux problèmes environnementaux mondiaux tout en améliorant les moyens de subsistance locaux.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Depuis 2009, il a soutenu plus de 200 projets en RDC dans les domaines de la biodiversité, du développement des capacités, de la dégradation des terres, des eaux internationales et du changement climatique, y compris l'adaptation.
Les projets soutenus par le PPS dans le pays sont alignés sur les priorités nationales de protection de l'environnement et mis en œuvre dans les provinces de Kongo Central, Kwango, Kinshasa, Haut-Katanga, Equateur, Nord-Kivu et Kasai.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
En outre, la RDC est l'un des six pays participant à la phase pilote de la REDD+ à base communautaire (CBR+), un partenariat entre le programme REDD des Nations Unies et la PPS qui a été lancé en 2015.
Photo: © UNDP DRC CO, SGP DRC.
Pour plus d'informations, consultez la page pays du PPS RDC (en anglais).
Pour plus de détails sur l'ensemble du PPS, consultez le site web (en anglais).
Article rédigé par : Ana Paula Canestrelli, Benjamin Lukoki et Andrea Egan
Photos : © UNDP DRC CO, PPS RDC
Lieu : Territoire de Kasangulu, RDC